Une obligation est un lien moral, social ou juridique qui nous rattache à autrui et nous astreint à faire quelque chose pour lui, ou au contraire qui nous interdit de lui faire quelque chose.
J'obéis à une obligation envers autrui, y compris en l'absence de ceux à qui je dois le respect de cette obligation. C'est la notion de devoir moral. En effet, j'ai conscience que ce lien m'oblige, je me sens obligé (par exemple, par un bienfait que j'ai reçu : je sens que je dois le rendre à mon tour).
La puissance morale de l'obligation, telle qu'on la trouve par exemple dans la promesse, s'éprouve dans notre capacité à maintenir avec force notre engagement, quelles que soient les difficultés, la distance dans l'espace et le temps : on fait alors preuve de vertu.
L'obligation de la loi
L'obligation de la loi, morale, religieuse ou juridique, avec sa formulation identique pour tous, démontre la puissance rationnelle de l'obligation. C'est-à-dire notre capacité à penser et respecter le même lien, les mêmes astreintes et interdits, vis-à-vis de toutes les personnes, de la façon la plus impartiale, quelles que soient nos préférences subjectives.
La préférence d'amour-propre pour soi-même est la première préférence subjective que l'obligation doit vaincre. L'obligation que je demande volontiers aux autres de respecter, je dois d'abord m'y astreindre moi-même, alors que j'ai tendance à m'en excepter. L'obligation est intériorisée : être obligé à quelque chose, c'est s'y obliger soi-même.
Fonder une nouvelle source d'obligations
Je peux contracter moi-même une nouvelle obligation, m'engager par serment. Par exemple, dans le serment du jeu de paume, en 1789, les députés s'engagent à s'unir pour mettre fin à l'Ancien Régime. Dans cet exemple, l'obligation est plus complexe : les députés s'engagent ensemble à refuser l'autorité ancienne pour n'accepter que l'autorité nouvelle de l'État à venir et de sa loi. Ils seront les auteurs et les législateurs de cette nouvelle autorité dès lors qu'ils se formeront en Assemblée constituante, celle qui crée la constitution d'un nouvel État.
L'événement historique du serment du jeu de paume peut illustrer une idée philosophique, celle du contrat social par lequel des individus conviennent ensemble de créer l'État et sa loi, l'autorité suprême à laquelle ils s'obligeront à obéir en formant ainsi une nouvelle société, un peuple de citoyens.
L'implicite de l'obligation
Une obligation peut s'imposer à moi de l'extérieur par la société ou la loi. Je découvre en ce cas l'obligation commune, puisque je n'ai pas moi-même créé la société et la loi et les obligations qu'elles engendrent.
Cependant, mon appartenance consciente à la société implique que j'apprends progressivement les obligations qui lui sont inhérentes, et que je les accepte au fur et à mesure de mon éducation. Et ce, bien sûr, en fonction du niveau de compréhension qui est le mien à chaque étape du développement de ma conscience.
Nul n'est censé ignorer la loi
C'est le sens de l'adage : "Nul n'est censé ignorer la loi". Cette expression ne signifie pas que nous devons tous être experts en droit, ce qui serait irréaliste. Il faut plutôt comprendre que nul n'est censé refuser d'obéir à une loi quand son obligation lui est adressée. Car nous savons et acceptons l'obligation que nous avons en général d'obéir à la loi.
Il s'agit d'une sorte de reprise de l'idée de contrat social : même si je n'étais pas concrètement à l'origine de l'État et sa loi quand ils ont été constitués, je renouvelle moi-même ce contrat en reconnaissant la loi comme une obligation légitime à laquelle je me dois d'obéir.
Une contrainte est ce qui empêche la liberté d'agir d'un être et qu'il ne peut éviter de subir, c'est ce qui le force à agir contrairement à sa volonté présente (par ex. faire sortir un individu par force).
Les sources de contrainte
La contrainte peut s'imposer du dehors (par ex. les murs d'une prison) mais aussi de l'intérieur (par ex. la maladie, qui réduit aussi notre pouvoir d'agir), ou par le moyen de la conscience (par ex. le chantage ou la ruse qui me fait faire ce que je ne veux pas faire, la pression du jugement social sur mes affects, la crainte que j'ai du jugement d'autrui).
En apparence, la contrainte subie par force s'oppose à l'obligation par laquelle on s'engage de façon active par sa volonté.
Cependant, le rapport entre obligation et contrainte est souvent plus complexe.
La loi, obligation et contrainte
La loi juridique, par exemple, qui émane de l'autorité de l'État, est d'abord une obligation à laquelle nous devons obéissance parce que nous l'acceptons comme légitime.
Mais si nous refusons de nous soumettre à la loi, alors l'État est en droit de nous y soumettre par la contrainte des forces de l'ordre, de la police. L'État et sa loi constituent tout à la fois l'autorité suprême, en matière d'obligation adressée à tous, et la force suprême, la contrainte à laquelle nul ne doit pouvoir résister.
L'obligation implique une contrainte de soi par soi
Sur un plan moral, l'observation des obligations du devoir, notre force à maintenir nos obligations en faisant preuve de vertu, ou tout simplement les efforts de discipline, ne vont pas sans une contrainte que nous nous imposons à nous-mêmes.
On distingue alors en soi-même, d'un côté la partie rationnelle par laquelle on comprend le bien-fondé de l'obligation et on se l'ordonne à soi-même par sa volonté, et d'un autre côté la partie désirante ou irrationnelle, qui n'accepte pas l'obligation, et qu'il faut donc contraindre pour pouvoir respecter ses obligations.
Question :
Une obligation morale, par exemple celle d'agir de façon juste, n'est-elle qu'une contrainte sociale intériorisée ?
Jacques-Louis DAVID, Le Serment du jeu de paume, 20 juin 1789, esquisse, 1791, Musée National du château de Versailles.
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